Bernard de Clairvaux

Bernard de Fontaine, abbé de Clairvaux est un moine et réformateur français. Il recherche par amour du Christ la mortification la plus dure, Bernard fait preuve, toute sa vie durant, d'une activité inlassable.



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Saint catholique - Docteur de l'Église - Histoire du catholicisme en France - Mystique chrétien - Naissance en 1090 - Décès en 1153 - Ordre de Cîteaux - Religieux du Moyen Âge - Abbé de Clairvaux - Abbé - Abbaye - Templiers et religion - Personnalité de la Bourgogne

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  • Traité de l'Amour de Dieu - lire. Traité de la Grâce et du Libre Arbitre - lire... saint Bernard de Clairvaux est -il à l'origine de la règle des Templiers... (source : jesusmarie.free)
  • ... du passé de la France, Bernard de Clairvaux est présent par sa foi, sa doctrine, .... Aimer en Dieu …aimer le bien de l'autre…bien aimer. Bernard... (source : mariedenazareth)
  • ... saint Bernard de Clairvaux est -il à l'origine de la règle des Templiers... Bernard De Clairvaux est devenu l'arbitre auquel on fait appel.... (source : gabriellaroma.unblog)
Saint Bernard de Clairvaux

Saint Bernard, manuscrit du XIIIe siècle
Abbé et Docteur de l'Église
Naissance 1090
Château de Fontaine-lès-Dijon, Dijon
Décès 20 août 1153  (à 63 ans)
abbaye de Clairvaux
Canonisation 18 juin 1174
par Alexandre III
Fête le 20 août
Serviteur de Dieu - Vénérable - Bienheureux - Saint

Bernard de Fontaine, abbé de Clairvaux (1090, château de Fontaine-lès-Dijon, Dijon – † 20 août 1153, abbaye de Clairvaux) est un moine et réformateur français. Il recherche par amour du Christ la mortification la plus dure, Bernard fait preuve, toute sa vie durant, d'une activité inlassable. C'est un orateur vibrant, pour instruire ses moines de Clairvaux comme pour émouvoir et entraîner les foules. C'est aussi un conservateur, quasi «intégriste», ne parvenant pas forcément à bien saisir le sens véritable des mutations de son époque, marquée précisément par une profonde transformation de l'économie, de la société et du pouvoir politique[1]. Il est canonisé par l'Église catholique en 1174 et devient ainsi saint Bernard de Clairvaux.

Basilique et maison natale de saint Bernard à Fontaine-lès-Dijon.
Vue générale de la façade Est du château.


Enfance et entrée au monastère

Né en 1090 à Fontaine près de Dijon, dans une famille noble de Bourgogne[2], Bernard est le troisième des sept enfants de Tescelin le Roux (Tescelin Sorrel) et d'Alette ou Aleth de Montbard, une femme de haute vertu. Son père, Tescelin, est un membre de la famille des seigneurs de Châtillon-sur-Seine. Modeste chevalier, il est au service du duc de Bourgogne et a cherché à faire un riche mariage; il est le seigneur de Fontaine mais aussi des terres autour d'Alésia et de Montbard. Il en possède d'autres dans la vallée de la Laigues et au confluent de l'Aube et de l'Anjou. Sa mère, Alette, qui plus est haute lignée, est la fille du seigneur de Montbard, dont les domaines s'étendent sur une partie des plateaux localisés entre l'Armançon et la Seine. Son frère, André de Montbard fait partie des neuf fondateurs de l'ordre du Temple et devient même maître[3]. Bernard est par conséquent un enfant d'une famille de moyenne noblesse[1].

À l'âge de neuf ans, il est envoyé à l'école canoniale de Châtillon-sur-Seine, où il prend une solide connaissance du latin et montre un goût spécifique pour la littérature[4]. Il prend une bonne connaissance de la Bible, des Pères de l'Église, de Cicéron et d'autres auteurs latins, ce qui fait de lui un parfait représentant des auteurs de son temps. À l'âge de seize ou dix-sept ans, il perd sa mère et en est particulièrement vivement affecté. Il mène ensuite l'existence mondaine des jeunes nobles de son âge mais semble particulièrement vite vouloir entrer dans les ordres. Tout d'abord, il laisse entendre à sa famille qu'il prépare un pélérinage à Jérusalem pour ne pas inquiéter sa famille par ses préparatifs à la vie monacale[5].

En 1112, il entre à l'abbaye de Cîteaux avec vingt membres de sa famille ou proches[1]. L'abbaye de Citeaux a été fondée en 1098 par Robert de Molesme, et Étienne Harding en est l'abbé depuis janvier 1108. Les fondateurs se sont détachés de l'ordre de Cluny, dans ce cas en pleine gloire, pour vivre totalement la règle de saint Benoît. Ils souhaitent répondre à un parfait plus rigoureux : retour à la simplicité dans la vie quotidienne, dans le culte et dans l'art ; rupture avec le monde, pauvreté, silence, travail manuel, tels seront les éléments principaux de la création cistercienne. Cela correspond aux souhaits de Bernard qui veut retourner à l'ascèse monastique la plus rude[6]. Cette ascèse est identique selon lui à la route de Jérusalem : "par la montée rude (... ), vers la Jérusalem de la liberté, celle d'en-haut, notre mère"[5]

La fondation de Clairvaux

En 1115, Étienne Harding envoie le jeune homme à la tête d'un groupe de moines pour fonder une nouvelle maison cistercienne dans une clairière isolée à une quinzaine de kilomètres de Bar-sur-Aube, le Val d'Absinthe[7], sur une terre donnée par le comte Hugues de Champagne. La fondation est nommée «claire vallée» (clara vallis), qui devient ensuite «Clairvaux». Bernard est élu abbé de cette nouvelle abbaye, et confirmé par Guillaume de Champeaux, évêque de Châlons et célèbre théologien. Il demeure abbé de Clairvaux jusqu'à so mort en 1153. Les débuts de Clairvaux sont complexes : la discipline imposée par Bernard est particulièrement sévère. Bernard poursuit ses études sur l'Écriture Sainte et sur les Pères de l'Église.

Les gens affluent dans la nouvelle abbaye, et Bernard convertit même toute sa famille : son père, Tescelin, et ses cinq frères entrent à Clairvaux comme moines. Sa sœur, Humbeline, prend aussi l'habit au prieuré de Jully-les-Nonnains. L'attrait qu'exerce Bernard est idéalement illustré par cette anecdote : vers 1129, l'évêque de Lincoln s'étonne de ne pas avoir de nouvelle d'un chevalier qui devait faire étape à Clairvaux sur la route des croisades. Bernard l'informe qu'il a économisé la route de Jérusalem en entrant au monastère[5]. Dès 1118, de nouvelles maisons doivent être fondées pour éviter l'engorgement de Clairvaux. Les trois premières fondations sont La Ferté, Pontigny, Morimond. Ces premières fondations sont implantées dans les domaines des seigneuries alliées ou amies. Ces trois abbayes, plus Citeaux et Clairvaux sont les cinq têtes de pont de l'ordre nouveau, chacune essaimant pour son compte[8]. De 1115 à 1133, Bernard et ses moines vivent à Clairvaux dans les conditions les plus frustes. En 1133, Geoffroy de la Rochetaille, prieur du couvent, et Achard, maître des novices réussissent à persuader Bernard d'agrandir Clairvaux. L'église est enfin consacrée en 1145 et la partie occidentale réservée aux frères convers est terminée en 1153[9].

Clairvaux donne naissance à soixante huit abbayes nouvelles. En 1119, Bernard est membre du chapitre général des cisterciens convoqué par Étienne Harding, qui donne sa forme définitive à l'ordre. La «Charte de Charité» qui y est rédigée est confirmée peu après par Calixte II. En 1132, il fait accepter par le pape l'indépendance de Clairvaux vis-à-vis de Cluny.

Un conservateur engagé

Bernard de Claivaux, v.  1450, musée de Cluny.

Dès le début de son abbatiat, Bernard rédige des traités, des homélies, et en particulier une Apologie, rédigée sur la demande de Guillaume de Saint-Thierry, qui défend les bénédictins blancs (cisterciens) contre les bénédictins noirs (clunisiens). À l'austérité cistercienne, élaborée à partir de la fuite du monde, de la pauvreté et du travail manuel, Bernard ajoute la mise en valeur de la pureté et le mépris de la culture et de tout ce qui peut sembler un divertissement pour l'esprit. Pierre le Vénérable, abbé de Cluny, lui répond amicalement, et malgré leurs différends idéologiques, les deux hommes se lient d'amitié. Il envoie aussi de nombreuses lettres pour inciter à la réforme le reste du clergé, surtout les évêques. Sa lettre à l'archevêque de Sens, Henri de Boisrogues dit Sanglier, intitulée ensuite De Officiis Episcoporum (Sur la conduite des évêques) est révélatrice du rôle important joué par les moines au XIIe siècle, et des tensions entre clergé régulier et séculier. Bernard a une préférence presque exclusive pour le Cantique de Salomon et pour saint Augustin. De fait, par sa manière de raisonner, il est reconnu comme le dernier père de l'Église[10]. Il pense que la foi qu'il a reçue doit être transmise telle quelle. Il n'y a pas à élucider les condradictions apparentes du dogme, ni à introduire la raison dans l'étude des textes saints et de la tradition. Bernard est par conséquent bien un conservateur peu sensible aux changements du temps présent. Il défend avec la même fougue la société féodale, la division du monde en trois ordres, la théocratie pontificale. Pour lui, l'ordre établi est voulu par Dieu. Il suffit de corriger les vices des hommes pour résoudre les problèmes de la société[11].

La spiritualité de Bernard est fortement marquée par la pénitence. Il fait subir à son corps les plus cruels traitements, mettant ainsi sa santé en danger. Son goût pour l'austérité s'accorde à merveille avec le dépouillement des églises cisterciennes. À ce sujet, il évoque la sobre ivresse (sobria ebrietas) qui jaillit du dedans et opère des mutations et des métamorphoses, sans pour tout autant nécessiter le point d'appui d'une imagerie extérieure[12]. Il fulmine d'ailleurs contre les cloîtres sculptés à chapiteaux historiés dans son Apologie à Guillaume de Saint-Thierry (vers 1123-1125). Pour l'abbé réformateur, les chapiteaux à figures monstrueuses, les narrations fréquemment profanes sont de coûteuses fantaisies qui détournent le moine de sa méditation[13].

Il est aussi porté par un amour fervent pour Dieu et pour la Vierge pour qui il a une dévotion spécifique[12]. L'ensemble des églises cisterciennes sont dédiées à la Vierge et Bernard cherche à developper le culte marial dans tout l'Occident[11]. Il fait la promotion d'une religion faite d'élan du cœur plus que de comptabilité des actions bonnes ou mauvaises.

Un abbé engagé dans les affaires de son temps

Bernard néenmoins si engagé dans son monastère, sillonne les routes d'Europe pour défendre l'Église et porter témoignage de son Dieu. En 1129, il participe au concile de Troyes, convoqué par le pape Honorius II et présidé par Matthieu d'Albano, légat du pape. Bernard est appelé secrétaire du concile, mais en même temps il est contesté par une partie du clergé, qui pense que Bernard, simple moine, se mêle de choses qui ne le regardent pas. Il finit par se disculper. C'est lors de ce concile que Bernard fait reconnaître les statuts de la milice du Temple, les Templiers, dont il a largement influencé la rédaction. En 1130, il adresse une lettre aux chevaliers du Temple. Il explique que pour un chrétien il est plus complexe de donner la mort que de la recevoir. Il fustige le "chevalier du siècle" qui engage des guerres. Il rappelle que le Templier est un combattant discipliné sans orgueil et sans haine[14].

Moine cistercien, Humbeline, sœur de Bernard et Jeanne de Boubais, abbesse de Flines, aux pieds de la Vierge à l'enfant, triptyque du Cellier, tempera sur bois, Jehan Bellegambe, v. 1509[15].

Devenu une personnalité importante et écoutée dans la chrétienté, il intervient dans les affaires publiques, il défend les droits de l'Église contre les princes temporels, et conseille les papes. Il attache en effet, une grande vénération au trône de Saint-Pierre.

Le schisme d'Anaclet

En 1130, après la mort d'Honorius II, deux pape sont élus par les cardinaux : le cardinal Aimeric, qui prend le nom d'Innocent II ; ses adversaires désignent le cardinal Pierleone, qui prend le nom d'Anaclet II. Ce dernier reçoit le soutien de Roger II, duc de Pouille et de Calabre, lequel reçoit le titre de roi de Sicile. En France, Louis VI convoque un synode à Étampes et demande à Bernard d'y siéger. Dans une intervention enflammée, Bernard se déclare en faveur d'Innocent II, car il le juge plus saint, par conséquent plus apte et sans doute élu par le groupe le plus sain (sanior pars) des cardinaux[16]. Il semble que l'origine juive Anaclet ait joué dans ce choix. Bernard, qui prendra parv ailleurs la défense des Juifs au cours de la seconde croisade, rédigé qu'il considère comme une insulte que la "race "juive puisse occuper le siège de saint Pierre»[17]

Le roi de France et son clergé reconnaissent dans ce cas Innocent II, qui se réfugie en France. L'empereur allemand, Lothaire III le reconnait à son tour et conduit une expédition pour l'installer à Rome. Bernard accompagne l'empereur et le pape lorsqu'il entrent dans Rome en 1133. Mais Innocent II est rapidement attaqué des partisans d'Anaclet. Il réunit un concile à Pise en mai-juin 1135, pour anathématiser son rival. Bernard y prononce un discours particulièrement violent. Il négocie ensuite le ralliement de la ville de Milan au pape. En 1137, il essaye en vain de le faire changer Roger II de camp. Quelques semaines plus tard, Anaclet meurt en janvier 1138, mettant ainsi fin au schisme[1].

Bernard et la seconde croisade

Saint Bernard prêchant la 2e croisade, à Vézelay, en 1146 (XIXe siècle).

En 1145, Clairvaux donne un pape à l'Église, Eugène III, dont Bernard devient le maître à penser. Il suggère à ce dernier la création de l'auditorium, ancêtre du tribunal de la Rote. Cette institution permet au pape de se dégager des procés de plus en plus nombreux que la papauté devait régler[18]. Quand le royaume de Jérusalem est menacé après la chute du comté d'Édesse, Eugène III demande à Bernard de prêcher la deuxième croisade, laquelle sera entreprise en grande partie à l'initiative du roi de France Louis VII le Jeune[19]. Bernard, plus préoccupé par le développement de l'hérésie cathare, est réticent à l'idée de s'associer à une croisade en Terre sainte. Il ne s'incline que par obéissance au pape[20]. Il prend la parole le 31 mars 1146, le jour de Pâques au milieu d'une foule de chevaliers réunis au pied de la colline de Vézelay. À cette époque, il a cinquante six ans. Son discours enflamme la foule. Il évoque Édesse profané et le tombeau du Christ menacé. Il invite les chevaliers qui veulent se croiser à l'humilité, à l'obéissance et au sacrifice. Après son prêche, on lui arrache même des morceaux de son vêtement pour en faire des reliques[14]. Son prestige entraîne par conséquent le peuple de France.
Il prêche aussi à Spire. En Allemagne, il doit combattre les excés du prédicateur populaire Raoul ou Rodolphe, un ancien cistercien de Clairvaux[21] qui par ses discours enflammés provoque une flambée de violences contre les Juifs[22]. Il débute par rappeler que l'antisémitisme ne saurait être toléré par un chrétien : «ne sommes nous pas spirituellement des sémites?» rédigé-il. Il n'hésite pas à prêcher devant les synagogues incendiées mais les émeutiers de la vallée du Rhin ne comprennent ni son latin, ni son français. Il parvient cependant à faire cesser les persécutions[23]. La reconnaissance de la communauté juive est immense. Le roi de France et l'empereur Conrad III prennent la croix. L'échec de la seconde croisade lui est ensuite reproché de partout, de Rome, de la cour française, des évêques et des maîtres des écoles. Bernard est blessé par ses attaques mais soumis au pape, il accepte d'être mis à tête d'une nouvelle croisade qui ne partira d'ailleurs jamais[24].

La lutte pour la sauvegarde de l'orthodoxie catholique

Dans cette période de développement des écoles urbaines, où les nouveaux problèmes théologiques sont discutés sous forme de questions (quæstio) et d'argumentation et de recherche de conclusion (disputatio), saint Bernard est partisan d'une ligne traditionnaliste. Il combat les positions d'Abélard, approximatives d'un point de vue théologique, et le fait condamner au concile de Sens en 1140. Abélard incarne tout ce que Bernard déteste : l'intelligence triomphante, l'arrogance dominatrice, les prouesses dialectiques, une célébrité immense, fondée sur la foi passée au crible de la raison au détriment de la vie intérieure, l'obstination à tenir des positions[25]. Bernard refuse que les secrets de Dieu soient examinées et questionnées par la raison. Il veut que la raison reconnaisse ce qu'il y a d'illimitément profond et d'incompréhensible dans les choses divines. Son attitude tranchante entraine des pamphlets contre l'abbé de Clairvaux comme celui de Béranger de Poitiers, rédigé après l'affaire Abélard : «Depuis longtemps la renommée aux ailes rapides a répandu dans l'univers entier le parfum de ta sainteté, proclamé tes mérites, pompeusement propagé tes miracles. Tu as pris Abélard comme cible de ta flèche pour vomir contre lui le venin de ton aigreur, pour le rayer de la terre des vivants, pour le mettre au rang des morts. Tu étais enflammé contre Abélard non du zèle de la correction, mais du désir de ta propre vengeance [26]»

À la même époque, l'hérésie cathare fait de grand progrès dans le midi de la France. Bernard intervient pour réfuter les doctrines cathares. En 1145, il accompagne le cardinal-légat Albéric, envoyé en mission pour poursuivre les hérétiques. Il prêche à Poitiers, Bergerac, Périgueux, Sarlat, Cahors, Verfeil, Albi[1]... Il découvre à Verfeil une dissidence religieuse qui revendique une filiation apostolique et rejette les sacrements de l'Église. Il l'appelle l'hérésie des «albigeois»[27].

Au concile de Reims, en 1148, il porte une accusation d'hérésie contre Gilbert de la Porrée, évêque de Poitiers. Il n'obtient qu'un mince avantage, et son adversaire conserve son évêché et toute sa considération. Plein de zèle pour l'orthodoxie, il combat aussi les thèses de Pierre de Bruys, Henri de Lausanne, d'Arnaud de Brescia, et condamne les excès de Raoul, qui demandait le massacre des Juifs. En cette même année il prêche la croisade en Hainaut et séjourne à Mons, la capitale des comtes de Hainaut. Son arbitrage est accepté dans toute l'Europe du XIIe siècle.

Il s'oppose plusieurs fois aux rois de France. Il traite Louis VI de nouvel Hérode[28] lorsque ce dernier cherche à déposer l'archevêque de Sens, il accuse Suger de négliger son abbaye de Saint-Denis, le poussant ainsi à se consacrer davantage à l'administration de son abbaye à partir de 1127. En 1138, une crise éclate quand le roi Louis VII accorde son investiture pour l'évêché de Langres à un moine de Cluny et non au candidat de Bernard de Clairvaux[29].

Saint Bernard fonde jusqu'à soixante douze monastères, répandus dans l'ensemble des parties de l'Europe : 35 en France, 14 en Espagne, 10 en Angleterre et en Irlande, 6 en Flandre, 4 en Italie, 4 au Danemark, 2 en Suède, 1 en Hongrie.
En 1151, deux ans avant sa mort, il y a 500 abbayes cisterciennes. Clairvaux compte 700 moines. Bernard meurt en 1153, à soixante trois ans. Canonisé le 18 juin 1174 par Alexandre III, Bernard de Clairvaux a été déclaré docteur de l'Église par Pie VIII en 1830. On le fête le 20 août.

La spiritualité de saint Bernard

Bernard s'adresse à des moines. Sa théologie mystique concerne des hommes qui se vouent à la prière ainsi qu'à l'amour de Dieu. Pour lui, tout savoir humain n'a d'importance que étant donné qu'il est ordonné à la vérité religieuse[30].

La Paix intérieure

En entrant au monastère, le moine laisse tout, sa vie est rythmée par la liturgie. Rien ne doit le perturber dans sa vie intérieure. Le monastère a pour fonction de faciliter cet aspect de la spiritualité cistercienne. C'est pourquoi les rituels cisterciens sont exactement codifiés dans les Ecclesiastica officia et que l'architecture des couvents qui doit répondre avant tout à cette fonction suivant les instructions précises de Bernard de Clairvaux. Avant d'être une mystique, la spiritualité cistercienne est une spiritualité incarnée : que la vie quotidienne aille de soi est la condition sine qua non de la paix intérieure et du silence, propice à la relation avec Dieu. Tout doit y conduire et rien en distraire[31]. Ainsi, l'architecture, l'art ou les manuscrits cisterciens adoptent un style pur et dépouillé. Sous l'impulsion de Bernard de Clairvaux, mû par un parfait d'austérité, un style particulièrement épuré est utilisé pour les manuscrits à partir de 1140. Il se définit par de grandes initiales peintes en camaïeu d'une seule couleur, sans représentation humaine ou animale ni utilisation d'or[32].

Le cheminement vers Dieu

Bernard de Clairvaux, dans son traité De l'Amour de Dieu est à la source d'une véritable école spirituelle en faisant passer un pas décisif à la littérature descriptive des états mystiques[33]. Il développe un ascétisme extrême de dépouillement qui est particulièrement visible d'un point de vue artistique. La liturgie développe des mélodies épurées complètement au service de la parole divine pour en révéler toute la richesse et le mystère qui y est contenu. Il est par conséquent essentiel que l'écoute ne soit pas perturbée par d'autres signaux, d'où la recherche du silence. Il n'y a pas d'écoute vraie sans l'attitude principale d'humilité.

Pour Bernard de Clairvaux, «l'humilité est une vertu par laquelle l'homme devient méprisable à ses propres yeux à cause de ce qu'il se connaît mieux». Cette authentique connaissance de soi ne peut être obtenue que par le retour sur soi. L'homme a été créé à l'image ainsi qu'à la ressemblance divine, mais il a perdu par la faute originelle et par ses propres erreurs l'idéale ressemblance avec Dieu. L'objectif de l'existence sera de la recouvrer[30]. Par la connaissance de sa propension au péché le moine se doit d'exercer, comme Dieu, la miséricorde et le charité envers tout homme. En s'acceptant tel qu'il est , grâce à cette démarche d'humilité et de travail intérieur, l'homme connaissant sa propre misère devient capable de compatir à celle d'autrui.

Selon Bernard de Clairvaux, on doit dans ce cas parvenir à aimer Dieu par amour de soi et non plus de Lui. La prise de conscience qu'on soit un don de Dieu ouvre à l'amour de tout ce qui est à Lui. Cet amour est , pour saint Bernard, l'unique chemin qui permette d'aimer comme il le faut son prochain dans la mesure où il sert à l'aimer en Dieu. Au final, après ce cheminement intérieur on parvient au dernier stade de l'amour qui est d'aimer Dieu pour Dieu et non plus pour soi[34]. En passant par l'humanité de Jésus, l'âme contemplative parvient au Verbe. Elle franchit ainsi le niveau charnel pour adhérer au plan spirituel qui lui sert à s'unir à Dieu en l'aimant. L'unité de l'esprit est décrite comme une communion idéale. L'âme devient comparable à une épouse, celle dont le Cantique des cantiques chante les noces. Le commentaire de Bernard sur ce chant nuptial résume toute sa doctrine. Il décrit la joie et l'angoisse de l'âme se réjouissant de la divine présence de l'aimé ou souffrant de son absence, imantant en cela les Pères de l'Église[30]. On peut parvenir à l'ultime connaissance de la vérité, c'est-à-dire la connaissance de la vérité connue en elle-même. Il faut être vide de soi pour ne plus s'aimer que pour Dieu. Il n'y a pas d'autre moyen d'y parvenir que par la persévérance et la pénitence. D'où l'ascèse, l'obligation d'imiter le Christ pour passer de l'état charnel à l'état spirituel même si la chair ne doit pas être méprisée. Mais pour Bernard la chair est une limite[30].

Le libre arbitre

Bernard de Clairvaux recevant le lait de la Vierge.

Pour Bernard de Clairvaux, du fait de son libre arbitre, l'homme à la possibilité de choisir sans contrainte de pécher ou de suivre le cheminement qui conduit à l'union avec Dieu. Par l'amour de Dieu il lui est envisageable de ne pas pécher et d'atteindre au sommet de la vie mystique en ne voulant plus autre chose que Dieu, c'est-à-dire de s'affranchir de toute possibilité de pécher en étant complètement libre. Ce qui meut le désir des cisterciens de quitter le monde, c'est l'union dans l'amour de la créature avec le créateur. Union idéalement vécue par la Vierge Marie qui est le modèle exemplaire de la vie spirituelle cistercienne. C'est pourquoi les moines cisterciens lui vouent une dévotion spécifique[35].

Bernard et les anges

Pour Bernard, les anges participent à la perfection divine et agissent en dépendance de la volonté et de la puissance de Dieu. Il considère le ministère des anges comme une médiation entre Dieu et les hommes. En descendant vers les hommes, les anges imitent l'exemple du Christ, en devenant comme lui des serviteurs de l'homme, afin qu'il s'élève et monte jusqu'à Dieu. L'action menée par les anges est en particulier celle de la garde de chaque homme. Ainsi l'ange gardien aide le moine à progresser sur le chemin de la sanctification. Les anges, comme protecteurs et défenseurs, sont présents en quelque lieu où l'homme se trouve. Ils soutiennent les hommes et les réconfortent dans les épreuves. Fréquemment les mains invisibles des anges protègent l'homme de nombreux dangers, tant physiques que moraux et dans ce cas même qu'il ne s'en aperçoit pas. Ces mêmes mains, à la fin de la vie, soulèveront l'âme humaine vers le ciel[36].

Réflexions sur la croisade

À la fin de sa vie, dans une des ses œuvres majeures, De la Considération (1152). Il accpete la responsabilité de l'échec de la seconde croisade. Il rédigé : "Je préfère voir les murmures des hommes s'élever contre moi que contre Dieu. " Continuant sa réflexion il demande : "L'homme doit-il cesser de faire ce qu'il doit parce que Dieu fait ce qu'il veut? " Il compare ensuite, il exclut que Dieu a choisi Moïse pour sortir les Hébreux d'Égypte et de les conduire en Terre promise mais il ne les a pas fait entrer en Pays de Canaan car les Hébreux se sont montrés rebelles et incrédules[24]. Dans une lettre à son oncle, André, maître du Temple, il rédigé : "Le monde devra reconnaître qu'il vaut mieux mettre sa confiance en Dieu qu'en nos princes. " Il abjure les Templiers à rester des moines avant d'être des soldats[37].

Principales œuvres

Les Œuvres complètes de Bernard de Clarvaux sont disponibles aux Editions du Cerf, texte latin de J. Leclercq, H. Rochais et Ch. H. Talbot, collection Sources chrétiennes), 1098.

Notes et références

  1. abcde Marcel Pacaut, Article Bernard de Clairvaux, Encylopædia Universalis, DVD, 2007
  2. Jaques Berlioz, Saint-Bernard, le soldat de Dieu, tiré de Moines et religieux au Moyen Age, Seuil 1994, p. 47.
  3. Jean-Philippe Lecat, L'idée de croisade selon Bernard de Clairvaux, Grandes signatures, n°1, Avril 2008, p 63
  4. Théodore Ratisbonne Histoire de saint Bernard 1853, p.  68
  5. abc Jean-Philippe Lecat, p 64
  6. Jaques Berlioz, Saint-Bernard, le soldat de Dieu, tiré de Moines et religieux au Moyen Age, Seuil 1994, p. 48.
  7. Jean Waquet, Jean-Marc Roger, Laurent Veyssière Recueil des chartes de l'abbaye de Clairvaux au XII siècle, 2003, p.  17
  8. Jean Chélini, Histoire religieuse de l'Occident médiéval, Hachette, 1991, p 368
  9. Carol Heitz, Article architecture monastique, Encyclopædia Universalis, DVD, 2007
  10. Jean Chélini, p 366
  11. ab Jean Chélini, p 367
  12. ab Marie-Madeleine Davy, Placide Deseille, Article Cisterciens, Encyclopædia Universalis, DVD, 2007
  13. Léon Pressouyre, Article Cloitres, Encyclopædia Universalis, DVD, 2007
  14. ab Jean-Philippe Lecat, p 66
  15. (en) Description sur le site du Metropolitan Museum qui accueille l'œuvre.  ; (en) A. G. Pearson «[1] Nuns, images, and the ideals of women's monasticism : Two paintings from the Cistercian convent of Flines», Renaissance Quarterly, 22 décembre 2001.
  16. Centre national de la recherche scientifique [2] Revue historique de droit français et étranger 1968, p.  382
  17. Pierre Aubé, Saint Bernard de Clairvaux, Fayard, 2003, p. 227
  18. Jean Chélini, p 369
  19. Cécile Morrisson, Les Croisades, PUF, 1969, nouvelle édition : 2006, p 38
  20. Jean-Philippe Lecat, p 67
  21. Cécile Morrisson, p 79
  22. Cécile Morrisson, p 39
  23. Jean-Philippe Lecat, p 68
  24. ab Jean-Philippe Lecat, p 70
  25. Pierre Aubé, p. 408
  26. Pierre Aubé, p. 413
  27. Laurent Albaret, Croisade contre les Albigeois, répères chronologiques, Encyclopædia Universalis, DVD, 2007
  28. Thomas Merton http ://books. google. fr/books?id=-kotAAAAMAAJ&q=%22Louis+VI+de+nouvel+H%C3%A9rode%22&dq=%22Louis+VI+de+nouvel+H%C3%A9rode%22&pgis=1 Bernard de Clairvaux] 1953, p.  689
  29. Marcel Pacaut Louis VII et les élections épiscopales 1957, p.  44
  30. abcd Marie-Madeleine Davy, Article Bernard de Clairvaux, Encyclopædia Universalis, DVD, 2007
  31. Jean-Baptiste Auberger, «La spiritualité cistercienne», Histoire et Images médiévales n°12 (thématique), op. cit. p. 44.
  32. Thierry Delcourt, «Les manuscrits cisterciens», Histoire et Images médiévales, n°12 (thématique), p. 41 ; Cister. net
  33. Marcel Pacaut, Les moines blancs, op. cit. pp. 215 - 218.
  34. Jean-Baptiste Auberger, op. cit. p. 47.
  35. Jean-Baptiste Auberger, op. cit. p. 49.
  36. Renzo Lavatori, La question métaphysique de l'Ange sur [3], consulté le 6 octobre 2008
  37. Jean-Philippe Lecat, p 71

Bibliographie
  • Pierre Aubé, Saint Bernard de Clairvaux, Fayard, 2003
  • Jean Chélini, Histoire de l'Occident médiéval, Hachette, 1991
  • Jean Leclercq, Bernard de Clairvaux, Desclée, Paris, 1989 (ISBN 2-7189-0410-0)
  • Jacques Verger, Jean Jolivet, Bernard - Abélard ou le cloître et l'école, Mame ; Fayard, Paris, 1982 (ISBN 2-7289-0086-8)

Source partielle

«Bernard de Clairvaux», dans Marie-Nicolas Bouillet et Alexis Chassang (dir. ), Dictionnaire universel d'histoire et de géographie, 1878 [détail des éditions] (Wikisource)

Liens externes


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